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Laurent Millet, A peu près Euclide

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Formé à l’art contemporain et à la photographie, Laurent Millet associe sa pratique de la photographie à tous les autres arts : dessin, vidéo, installation, performance. Par le recours à plusieurs dispositifs qu’il conjugue souvent entre eux, il construit un vocabulaire qui se situe aux limites du visible et en interroge la
relativité, entre perception et imagination. Les observatoires, les architectures, les maquettes, les outils et les appareils de mesure sont récurrents dans l’oeuvre de l’artiste, contribuant à la construction de ce qu’il
appelle une « rêverie dosée ».

A peu près Euclide ouvre un nouveau chapitre de cette science rêveuse. S’y sont ici rencontrés ses dessins de sculptures destinés à supporter des épitaphes étranges énumérés dans le Discours aux animaux, pièce théâtrale de Valère Novarina, et la création de formes issues d’une incursion enjouée dans les schémas d’un traité d’explication de la géométrie euclidienne conçu par Oliver Byrne. Basé sur les trois couleurs primaires, le langage graphique élaboré en 1850 par cet ingénieur pédagogue compose un ensemble systémique et très fort visuellement, dans lequel Laurent Millet a décelé comme une prémonition de l’imaginaire moderniste, dont les formants esthétiques se sont souvent accompagnés d’utopies pédagogiques et sociales. On pense à De Stijl, au Bauhaus, mais aussi aux peintures théosophiques d’Hilma af Klimt.

En interprétant ces formes à sa guise pour la réalisation de ses maquettes, Laurent Millet les assimile à une partition, il en extrapole d’autant plus facilement les principes qu’il semble en avoir intuitivement saisi l’esprit. Photographiées dans une mise en scène et en un angle qui nous les fait souvent voir légèrement en surplomb, ces formes créent l’illusion d’une profondeur spatiale. Leur design et leurs couleurs ainsi mis en valeur rappellent l’extravagance pop des objets de design du groupe Memphis. Des motifs bariolés aux réminiscences balnéaires ou circassiennes les rythment parfois, elles agrègent leur jovialité enfantine à une promenade entre des mondes que l’on devine à la fois ludique et attentive, dont elles seraient les jalons, sises quelque part entre la stèle et le trophée.

Texte écrit pour la galerie Binôme, exposition "Laurent Millet, machines célibataires" salon Approche nov.2021