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Paul-Armand Gette, à la lisière du principal

  • Paul-Armand Gette devant une de ses œuvres au M.A.C, à l'occasion de l'exposition de Marseille Artistes Associés (2007) ©Jean Jacques Le Berre

    © Paul-Armand Gette devant une de ses œuvres au M.A.C, Marseille, 2007, ©Jean Jacques Le Berre

Ma rencontre avec l’œuvre de Paul-Armand Gette date de 2004. Je publiai une présentation de son exposition Les Nymphalides, présentée à la galerie du Jour agnès b et m’étonnai de recevoir une carte postale de sa part. Il écrivait avoir eu plaisir à me lire et avoir été réconforté après tant d’injures suscitées par l’exposition.
Conceptuelle, biographique, sensorielle, l’œuvre de Paul-Armand Gette établit les conditions d’un partage sensible avec le regardeur, d’intimité à intimité. Son érudition mêlée d’espièglerie interroge la possibilité d'un art comme espace de communication privilégiée qui pourrait représenter la contemplation comme espace de pensée incarnée, moment d'altérite et de liberté. Car contrairement aux idées reçues, ce qui s’oppose au singulier n’est pas l’universel mais plutôt l’anonyme, le renoncement au processus d’individuation que l’art appelle, tant pour celui qui le réalise que pour celui qui le contemple.


Paul-Armand Gette construit des espaces de mise en relation entre qui regarde et (ce) qui est regardé. Dans ses œuvres, l'expérience du regard se dépose, ou s’expose, comme une relation où deux pôles s’affectent, se déplacent l’un l’autre et l’un par rapport à l’autre. Ainsi, loin de rejeter les attaques et censures que son art subit parfois, il en fait une matière critique qui l’informe, le travaille, participe de ses développements esthétiques et stratégiques.

 

Le sens du regard, sa possibilité, sa capacité de transformation sur qui regarde et (ce) qui est regardé y sont toujours l’enjeu. L’artiste qui expose depuis le début des années 70 ne cesse par ailleurs jamais lui-même de dialoguer avec les œuvres du passé ; des œuvres qui, à le lire, s’éveillent parfois pour offrir leur énigme au regard épris. En 1978, lors d’une exposition au Consortium de Dijon, Paul-Armand Gette présentait l’orientation de son travail artistique comme « une recherche qui s’est donnée pour cadre la sensorialité ». Par des choix esthétiques stratégiques, affirmés et immédiatement reconnaissables, il met en scène l’acte de regarder comme une expérience émotionnelle plutôt que cognitive.

 

La carte postale qu’il m’a m'adressée fait partie d’une édition présentant une série d’œuvres intitulée La contemplation des chefs d’œuvres. La naissance de Vénus de Botticelli y est reproduite en noir et blanc.
Un éclat de couleur a été posé sur le corps de Vénus, un motif de pétale de roses qui la recouvre partiellement. Ce motif est l’équivalent d’une appréciation tactile de sa beauté : les pétales évoquent la douceur, la sensualité de la carnation. Leur couleur d’un rose tirant vers le rouge a cette puissance d’éveil de l’incarnat, une invention des peintres qui, lassés par la froideur des marbres antiques, sont parvenus à restituer la couleur labile, extraordinairement vivante, d’une peau rougissant sous l’effet d’une émotion.
L’œuvre de Paul-Armand Gette convertit l’œil en un organe tactile, elle en suggère la puissance opérante de dévoilement.

 

Les photographies qu’il réalise avec la complicité de ses modèles nous apparaissent comme autant de moments exposés d'une peau caressée du regard. Transfigurés par la prise de vue, les corps des modèles se dévoilent par les curieux effets de la litote, du raccourci, de leur confrontation tactile à des pétales de roses, des feuilles de chêne, des lichens, des coulures de miel et de fruits rouges écrasés, des coquillages...Ces photographies sont parfois confrontées à des éléments de nature, placées côte à côte, en une étude comparative, ou bien analogique, femme-corps-nature...

 

De formation scientifique, Paul-Armand Gette observe les continuités entre les êtres et les choses, il les cultive méthodiquement et les fait apparaître dans la description (par le dessin, l’écriture, la sculpture, le collage et la photographie) de corps féminins, de paysages, de fleurs, de plantes et d’arbres, de formations géologiques, de phénomènes physiologiques et naturels comme les menstrues ou les mictions. Ce « système de qualité des êtres » rappelle celui que Philippe Descola a décrit sous la forme de « l’analogisme » dans une exposition réalisée au Musée du quai Branly en 2011, La fabrique des images, visions du monde et formes de la représentation. A l’appui de textes philosophiques, théologiques, de recueils de mythes et d’œuvres d’art, l’anthropologue examinait comment la diversité des images décelait des continuités entre l’humain et le non-humain.

 

Dans des civilisations qui font le constat d’une grande diversité, elle-même composée d’une masse énorme de singularités, la pensée analogique a permis d’établir des correspondances, des liaisons, des connexions de la façon la plus plausible. L’analogisme a constitué notre propre système de référence jusqu’à la Renaissance. Ce qu’il souligne en premier lieu, c’est que sur le plan physique, les hommes sont en continuité avec les autres existants du point de vue des lois de la chimie, de la physique etc.
La théorie, la métaphore ou le symbole intéressent peu Paul-Armand Gette avant tout porté sur l'observation et la description d’une physique des êtres. S'il y a "poésie" dans son œuvre, elle émane d'une libération du regard. La poésie est un travail de l'imagination qui nous faire voir les choses pour ce qu'elles sont, déleste un instant le regard de ce qu’il croit connaître et fait surgir l'humour, la question, le rêve.

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L'imagination, la curiosité conduisent Paul-Armand Gette à amplifier le plaisir que lui procurent ses expériences en les faisant résonner depuis le territoire d'une obsession commune à bien des artistes, que la psychanalyse qualifie de « pulsion scopique » : les phénomènes liés au fait de voir et d’être vu : plaisir, pudeur et honte sont associés à cette notion. Paul-Armand Gette ne retient de cet appareillage encombrant que l’idée d’évènement inhérente aux mythes qui mettent en scène le trouble émotionnel associé à l’acte de regarder : celui de Diane et Actéon, transformé en cerf pour l’avoir contemplée nue à son insu ; celui de Vénus dont la naissance ne s’accomplit pas sans témoins oculaires dans le célèbre tableau de Botticelli, celui de la « nymphe à la fontaine » peint par Cranach, dont la nudité offerte s'accompagne d'un vers de Campani qui sonne comme une mise en alerte :
« Fontis nympha sacri somnum ne rumpe quiesco » (« Je suis la nymphe de la source sacrée, ne trouble pas mon sommeil, je me repose »).

 

En s'emparant des figures issues de ces mythes pour les remettre en scène, Paul-Armand rappelle en premier lieu que regarder fait évènement. Ce que ces mythes célèbrent et craignent aussi parfois, c'est que regarder est opératoire, regarder produit un commencement, un point zéro permettant l'avènement, l'apparition. C'est cette lisière, ce moment de basculement que son art cherche à circonscrire, à exposer, à matérialiser pour mieux l'observer, l'affirmer, le partager.
On pourrait presque dire que rien ne se communique dans ses œuvres si ce n’est essentiellement le désir de se communiquer, l'expérience esthétique étant d’abord initiatrice d'émotion et d'énergie.


Le commencement est ce point limite autour duquel Paul-Armand Gette gravite et qu’il vise à toucher par la reprise obsessionnelle, l’articulation et la mise en scène d’éléments clés de son imaginaire. Il y a le croissant lunaire, attribut de la déesse Artémis, le sigle Om. importé du domaine de l’étude minéralogique des sols, matérialisation d’une ligne virtuelle depuis un point zéro, la fente vulvaire, le jet des mixions et le sang des menstrues, autant d’éléments relatifs au cycle, à l’entre-deux, au passage d’un état vers un autre.

 

Sans la création d’un espace commun qui est celui de l'échange, il n’est pas de pensée possible de la rencontre ou de l’émotion. C’est en soulignant l’analogie entre certaines réalités physiques que Paul-Armand entrouvre un espace imaginaire et mental où peuvent se rencontrer et s'affecter les mondes. C’est d’ailleurs par la création d’espaces, à la fois physiques et fantasmatiques, que l’œuvre trouve les conditions de son déploiement et de son renouvellement. Inventant en 1991 un protocole intitulé "La liberté du modèle", Paul Armand a su élargir les conséquences d'une œuvre qui l’incite aux débordements, en amplifier les effets et les possibilités. Il doit la réalisation de « La liberté du modèle », à des amies artistes dont la complexion artémisienne s’est avivée au contact de ses œuvres. Ne restait plus qu’à penser le cadre rituel de leur manifestation, les formes du partage et du jeu.

 

Amatrices d'art, historiennes, comédiennes, ces femmes et amies suggèrent d'incarner l'apparition de la nymphe par une mise en scène dont elles vont dicter les conditions à Paul-Armand. La multiplicité des tableaux vivants que ce protocole fait naître étonne par la diversité des mises en scènes imaginées par ces femmes. Attitude corporelle, vêtement, accessoire, décor naturel ou architectural, les paramètres varient selon les personnalités. Si Paul-Armand est assurément bon photographe, il s’en défend puisqu'il ne s'y intéresse pas en tant que tel. Tel qu'il en use, l'appareil photographique est à la fois la condition, l'outil et le témoin d'un jeu de métamorphose, d'un don, d'un partage d'esprits célébré, incarné, actualisé par la prise de vue.

 

Multiple dans les formes qu’elle prend, l’œuvre de Paul-Armand Gette est aussi une exploration critique des représentations du féminin dans l’histoire de l’art. Que devient la figure de la femme, ou l’idée de féminité, une fois délestée de la religiosité, des croyances et des interdits qui ont toujours accompagné les regards portés sur elles par la gent masculine ? Comment nous apparaît-elle observée pour elle-même et est-il seulement possible de la voir pour elle-même ? Consterné par la pauvreté du récit biblique narrant la naissance d’une Eve extraite de la côte d’un homme, Paul-Armand cherche dans l’histoire de l’art les figures de l’insubordination féminine. Il y a Vénus, Artémis et son cortège de nymphes, chez Lukas Cranach, Gustave Courbet, Lewis Caroll, Marcel Duchamp, il trouve les représentations de femmes qui, posées comme des énigmes, inscrites dans l’espace de leur intimité, semblent se tenir hors du regard qui les contemple ou bien le regarder à leur tour.



Texte écrit sur une invitation de Paul-Armand Gette, dans le cadre de son exposition Artémis & Paul-Armand Gette, 50 ans de conversations au CAIRN, centre d'art de Digne-les-Bains, 6 juillet au 2 novembre 2020. Publié dans le catalogue éponyme, édition Al Dante, 2022