Delphine Sales Montebello, peintre, et Martin Mc Nulty, sculpteur, ont en commun d’être respectivement attachés à la forme du tableau et de la sculpture. Aucun cynisme, aucun iconoclasme ne conduit leurs gestes, seule une audace de peindre et de sculpter comme si leur art venait d’être inventé. Un désir d’aller plus loin que ce que leur imaginaire serait capable d’envisager les pousse à dérouler un processus de création métamorphique semblable à un flux. L’un et l’autre travaillent en agençant des strates de matières, par recouvrements de surfaces, effets de transparences et d’opacités, sans chercher à éviter ces excès de matérialité que sont les coulures, les craquelures et les plis. Ils explorent attentivement les possibilités de leurs matériaux afin d’y saisir la beauté de l’inouï et d’en permettre l’éclosion dans la forme sculptée, le tableau.
Cet exercice de maîtrise administré à petites doses, sans étalage de virtuosité mais avec la précision de l’alchimiste, donne l’impression que les tableaux, les sculptures ici exposés ont été générés de manière organique, sans le concours d’aucune décision extérieure.
Réalisées à partir de débris industriels et autres matériaux disparates enrobés dans des résines colorées, les sculptures de Martin Mc Nulty ont des allures d’artefact ; fragments d’un futur archaïque à la fois terrestre, lunaire et marin. Comme dotés d’une vie propre, ces reliefs se posent au sol avec grâce, créatures imaginaires enfermant dans leurs replis baroques les devenirs animal, végétal et minéral, corps mutants encapsulés dans des coques irisées, ou drapés dans des peaux aux couleurs chatoyantes.
Travaillant à partir de pigments de couleurs pures, Delphine Sales Montebello déploie des univers fluides, cosmiques et déchaînés, traversés par les souvenirs, désorbités et puissamment revisités, de figures propres au paysage et à la nature morte. Au gré d’un geste pictural dense et généreux, jubilatoire et affirmé, émergent et se réinventent des agencements aléatoires de fleurs et de fruits, de nuages et de couchers de soleil, des lignes d’horizons crépusculaires faisant brusquement chavirer les étoiles pour les cogner à des fonds marins voluptueux comme des laques japonaises.
Chez Delphine Sales Montebello et Martin Mc Nulty, la possibilité de création passe par un phénomène de rupture avec toute référence. L’atelier est pour eux le lieu de tous les étonnements, un laboratoire où le monde se rêve et se joue dans sa diversité sensible, où leurs oeuvres cristallisent ce moment inaugural, éphémère et poétique qui est celui de tous les commencements.
Texte pour le communiqué de presse de l'exposition, galerie Patricia Dorfmann, 12 octobre au 16 novembre 2019
Visuel : détail d'un tableau de Dephine Sales Montebello (photo d'atelier)