Par l'intérêt qu'elle porte aux implications historiques, esthétiques et sociales de la pratique
artistique, Kristina Irobalieva inscrit chacun de ses projets dans le périmètre élargi d'une histoire des
formes et de leurs interprétations. A travers une logique de déconstruction qui se traduit par un
recours à la ruine, au fragment, à l'élément d'architecture, elle fabrique également un contexte à
l'intérieur duquel chacune de ses œuvres puisse évoluer et développer sa propre temporalité.
L'exposition qu'elle présente à la galerie Ribordy Contemporary à Genève du 19 janvier au 11 mars
2017exprime cette temporalité inhérente au déploiement de l'œuvre sous la forme d'un dissensus
temporel. Irobalieva choisit en effet de reprendre et poursuivre l'exposition qu'elle a réalisé à la
galerie Vincent Sator à Paris, en mars- avril 2016. La série des peintures intitulées
Jungle a été complétée par d'autres tableaux réalisés depuis. Pour leur exposition à la galerie Ribordy, elle vient
accompagnée d'une affiche dépliant, Jungle series, qui reproduit l'ensemble des jungles peintes à ce
jour. L'affiche indique également celles qui sont encore inexistantes, en une forme de complétude
anticipée.
Cette série initiée en 2014 s'inscrit dans la recherche d'une façon de peindre affranchie de toute
étiquette historicisante. Le motif de la jungle est à ce titre bien indiqué puisqu'il désigne un lieu
"sans signification biogéographique précise". Faisant ressembler ces tableaux aux fragments d'une
fresque ancienne, Irobalieva les dote d’une histoire, d’une antériorité et d’une origine qu’ils n’ont
pas. En faisant ainsi basculer le tableau dans le domaine de l'objet culturel, Irobalieva l'insère dans
un meta- récit, elle explore les propriétés inhérentes au médium et ses possibles interprétations, en un sens quasi-archéologique. Cette approche uchronique de la série lui permet également de revenir à une essence de la peinture en interrogeant sa valeur d'incarnation et sa puissance d'illusion. Ces deux critères d'appréciation ont fait toute son histoire, dont celle de ses révolutions successives et
de la nécessité de se repositionner dans le champ de l'image, une fois inventée la photographie.
Concernant les Fers à béton réalisés en céramique, une trentaine de pièces sont venues enrichir la
série depuis leur première exposition à Paris. Alignés dans un meuble vitré, les fers à bétons
formaient un catalogue de formes issues d'un même moule de départ, une suite d'échantillons
déclinant leurs variations chromatiques. L'accent était mis sur leur coloris et la possibilité de faire
muter cette forme vers un registre quasi végétal ou organique. A la galerie Ribordy, ces fers torsadés
retrouvent leur couleur métal et se convertissent en des sculptures investissant l'espace. En étirant
leur forme au point de les rendre deux fois plus longues que leur première version, Kristina Irobalieva
rend visible chacun de ses gestes enregistré dans la masse et fait surgir un paradoxe. Si les barres
d’armature renvoient à un temps architectural, elles tendent ici vers un temps géologique par leur
fabrication en céramique qui en préserve la micro- trace de la main.
La volatilité de nos repères d'appréciation d'une œuvre ou d'un objet, en lien avec le discours qu'il
génère et les croyances qu'il véhicule, sous-tend le travail de Kristina Irobalieva. Son bousculement
méthodique des repères d'interprétation de l'objet vise une dynamique d'échange avec le spectateur
autour du déploiement du sens.
Communiqué de presse pour la galerie
Ribordy contemporary, Genève