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David Letellier

  • Untitled

    © David Letellier

Architecte et musicien de formation, David Letellier synthétise son intérêt pour les interactions entre les sons et l’acoustique d’un lieu par ses sculptures cinétiques. Leur morphologie abstraite les apparente d’ailleurs plus à des machines et leur fonctionnement à celui de créatures douées d’autonomie. En 2011, David Letellier fait ainsi dialoguer deux corolles mécaniques fixées l’une en face de l’autre (Versus). Chacune émet un son que l’autre enregistre simultanément et transforme.
Lorsque des visiteurs passent entre les corolles causeuses, leurs conversations et leurs bruits perturbent l’échange de ces créatures. Mais les corolles se nourrissent également de leurs sons qu’elles rediffusent en une version plus dense et texturée. Le principe d’interactivité qui accorde les pleins pouvoirs à l’usager sur la machine est ainsi renversé. En utilisant le spectateur pour s’alimenter, elle a ici le dernier mot ! Les corolles contrôlent les interactions avec les visiteurs dans l’espace qu’elles enserrent. Elles s’y imposent, comme à la tête d’un écosystème.

Inversement, Caten, s’adosse à l’architecture de la Chapelle du Vieux Sauveur de Caen et s’y coule, comme en osmose. Caten est un filet formé par 300 « chaînettes », ou courbes obtenues par des fils tendus entre deux points qui les forment en retombant, par le fait de la gravitation. De très basses fréquences extraites des premières notes d’un cantique sont diffusées dans l’espace. Elles se modifient au gré des courbes que des bras mécaniques font lentement évoluer. Les basses fréquences étant relayées par des subwoofer disposés dans la chapelle, l’ensemble résonne tel un choeur sourd d’origine inconnue. Caten est comme le réceptacle sonore de la chapelle. Ses courbes légères sont l’écho sensible et mouvant de ses arches de pierre à la stabilité millénaire. Plutôt que Tinguely ou Calder auxquels il a été comparé, David Letellier aurait un antécédent chez Lazlo Moholy- Nagy. Le hongrois faisait à la lumière ce qu’il fait avec le son : capter, filtrer et moduler un immatériel devenu palpable.

Marguerite Pilven pour Slicker n°5 (janvier-mars 2013)