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Claire Chesnier

  • Visuel Claire Chesnier

    © Claire Chesnier

Claire Chesnier se tient depuis quatre ans au protocole de création suivant : elle imprègne d’eau un papier aquarelle épais qu’elle fixe verticalement, définit son cadre d’intervention avec des rubans adhésifs puis lâche de grandes coulées de couleurs sombres au moyen d’un pinceau gorgé d’encre. Avec une large brosse coréenne, elle intervient ensuite sur ce flux vertical pour le balayer horizontalement.

Elle appelle « re-voilement» ces va-et-vient qui ralentissent la chute des pigments sur le blanc de la page. En étirant les encres pour travailler leur jus à bras-le-corps, elle les maintient liées à ce fond lumineux par le biais de gradations chromatiques, avant qu’il ne soit trop tard. Impossible de revenir en arrière une fois l’encre séchée. Dans cette pratique en temps réel, le repentir n’existe pas. En se raidissant à mesure qu’il s’assèche, le papier perd aussi de sa capillarité. La maîtrise de ce protocole obtenue à force de pratique n’épuise jamais le caprice des encres infiniment labiles. Tout est fonction du degré d’humidité du support, de la qualité des pigments. Autant de micro-événements auxquels Claire Chesnier répond avec le pinceau. Par le dialogue vif et constant qu’elle exige avec la matière, l’exécution de ces peintures requiert une grande concentration.

La peinture est pour Claire Chesnier une passerelle tendue, et sans cesse tentée, entre la lumière et l’encre qui s’en détache comme une ombre. Elle est considérée menée à son terme lorsque le glissement des encres vers la lumière du « fond » s’est fait de manière fluide. Un passage qu’elle fixe en une logique quasi photographique d’instantané.
L’immédiateté du procédé fait qu’un dessin en appelle un autre ; les questions formelles qu’il soulève lors de son exécution se reportant sur un autre dessin.
C’est pourquoi Claire Chesnier les numérote. Des résonances formelles de l’ordre de la variation musicale apparaissent après coup, qu’un accrochage permettra ensuite de dévoiler. D’un protocole physique et méditatif taillé aux mesures de son ambition, Claire Chesnier tire des œuvres dont la forte présence subjugue.

Marguerite Pilven

Texte pour le catalogue de la Biennale de la Jeune Création à Houilles
(9e édition 24 mars au 5 mai 2012)