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Keith Tyson, The Sum Of All Possibles Paths

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    © Courtesy galerie George Ph. & N. Vallois

L’exposition "The Sum Of All Possible Paths" (La somme de tous les chemins possibles) de l’artiste britannique Keith Tyson, nous promène dans la diversité de ses méthodes créatives et l’hétérogénéité de ses styles. Rien ne rapproche a priori la composition rigoureuse du tableau intitulé History Painting où alternent des bandes verticales noires et rouges et cet autre intitulée Nature Painting figurant un espace abstrait totalement psychédélique.
Et pourtant, il existe un point commun. Ces œuvres sont le résultat d’une mise en place de procédures créatives qui mêlent le hasard et la nécessité, à la manière d’un jeu, avec ses règles et ses surprises.

Pour les History Paintings, la roulette du casino décide de l’ordonnancement des bandes colorées. À chaque chiffre, Tyson assigne une couleur : vert pour le zéro, rouge pour les chiffres pairs et noir pour les impairs. Concernant les Nature Paintings, l’artiste dépose des pigments sur une plaque d’aluminium ou de verre qu’il fait ensuite chauffer. Les matériaux réagissent de diverse manière en fonction de leurs composés chimiques. La seule chaleur conditionne la manière dont ils vont s’étaler, se superposer ou se mélanger.

Par cette démarche à la fois ludique et conceptuelle, Tyson cherche à s’émanciper des conceptions anthropocentriques de l’art. En recourant à la règle et au hasard, il met en retrait sa volonté personnelle, laissant certains aspects de l’œuvre advenir par eux-mêmes. Des rapports de causalités de nature chimique ou mathématique opèrent, dont les œuvres sont le résultat final. Faut-il considérer cette position comme une supercherie, avis que le collectionneur Saatchi et l’artiste Tracey Emin ne manquèrent pas de communiquer lors de la remise à l’artiste du Turner Prize, en 2002 ? Pas si l’on considère que l’idée est de mettre en branle des moteurs créatifs situés hors de la volonté ou du désir subjectif, pour élargir le domaine des possibles de l’art.

Tyson s’appuie sur des aspects empiriques, à la manière d’un scientifique qui se mettrait en retrait de son objet pour l’analyser et en tirer des hypothèses de travail ou de nouveaux champs d’investigation. Sa démarche est dialectique, qui procède de l’observation, puis de la réappropriation de certaines données de l’expérience.
Les œuvres intitulées Tabletops Tales sont réalisées sur des tables de travail usagées que Tyson récupère dans la rue. Leurs accidents de surface deviennent le prétexte d’une dérive de l’imaginaire. Crevasses et sillons se transforment en une cartographie mentale surréaliste, en reliefs planétaires ou en profils de visages étrangement déformés.

Un goût de l’étrange et du dépaysant caractérise les productions de l’artiste. Ses Studio Wall Drawings sont de grands dessins qui fonctionnent comme un journal, une production en marge qu’il punaise aux murs de son atelier et dont il récupère des idées ou des aspects pour ses pièces à venir. Sur un immense dessin de galaxie, l’artiste a écrit Oh sure, your situation is unique, autre manière de situer l’ego dans une réalité qui le dépasse.
À partir d’idées relativement simples, Tyson cherche toujours à inscrire son travail dans la complexité de l’existence et du monde. Comme il l’écrit dans le communiqué de cette exposition : « Je ne cherche pas à être évasif ou suffisant lorsque je dis que pour expliquer l’existence d’une œuvre, il me faudrait expliquer l’origine de l’univers en son entier ». Quelque part, son approche peut faire penser à celle de Gabriel Orozco dont un critique écrivait à propos de son travail : « Il s'agit de réinventer un espace qui soit à la fois physique et mental, réel et fictif, dont les repères sont connus et inconnus. Établir des règles du jeu qui appartiennent à plusieurs mondes ».

Pour paris-art.com, 2006