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James Lynch, Le Grand Café

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    © Courtesy galerie Frank Elbaz

A première vue, l’installation de James Lynch est assez froide, avec ses chaises dépareillées créant une ambiance de salle d’attente déserte. Pourtant, tout semble être fait pour nous retenir : les sièges, les écrans télévisés directement posés sur le sol invitent à s’asseoir.

Sur un premier téléviseur, un dessin d’animation nous montre une jeune fille courant, une cafetière à la main. On se retrouve à la regarder passivement, avec pour bruit de fond le souffle amplifié de sa respiration haletante. Une musique obsédante rythme les efforts physiques de la jeune fille tandis que s’écrivent sur les murs devant lesquels elle passe, à la manière d’un graffiti réalisé par une main invisible, les mots « I was running and running with a coffeepot, everybody was there drinking coffee including you ». Son visage crispé, ajoutée à la signification redondante du graffiti, enferme notre attention sur cette course interminable. On comprend l’objet de la course lorsque la jeune fille arrive enfin dans une pièce où plusieurs personnes l’attendent, une tasse à la main. Café et tasse se rejoignent, la boucle est bouclée.

Sur les sièges alentour, des tableaux sont posés où sont peints des protagonistes du film, tous assis avec un mug à la main, en une attitude fatiguée ou songeuse. Ces personnages qui nous entourent contribuent à nous immerger un peu plus dans ce récit surréaliste qui ne se dévoile que par fragments.

Si ces éléments narratifs se répondent, c’est au visiteur d’articuler ces pièces détachées du récit. Ce dispositif visuel simple et attrayant nous retient dans le jeu infini des interprétations : il y a suffisamment d’éléments pour construire un semblant d’histoire, mais agencés de telle manière qu’ils provoquent des décalages que la diversité des médiums employés souligne, par lesquels on bascule d’une situation anodine au récit fantastique. Cette histoire absurde et légère (une jeune fille courant dans la ville avec une cafetière à la main pour chercher une tasse) contient finalement une sorte de gravité, à la façon de ces rêves qui dévoilent par suites de flashs et d’associations leur signification cachée.

James Lynch
Le Grand Café
Galerie Frank Elbaz, Paris


Pour paris-art.com, 2004