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Robert Mapplethorpe

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    © Courtesy galerie Thaddaeus Ropac

Directeur artistique de Dior Homme, Hedi Slimane est invité à présenter des photographies de Robert Mapplethorpe qu’il sélectionne par affinités. Un portrait original de l’artiste à partir de thèmes qui lui sont chers.

On connaît l’obsession de Mapplethorpe pour le corps. Corps morcelé, objet de la pulsion scopique, ou pureté de corps tendus, dont la musculature athlétique est photographiée sur un fond neutre.
Cette fascination explique que l’artiste ait choisi ses modèles parmi les acteurs de la scène punk rock, genre musical ayant accordé une place décisive aux performances corporelles. Par son déhanché érotique, Elvis, le premier, précipitait le corps sur le devant de la scène, scandale qu’une Amérique puritaine s’empressa d’ailleurs de résoudre en filmant la star en plan américain.

Bien que non exclusivement composés de rock stars, les portraits ici exposés procèdent d’un même attrait de l’artiste pour l’allure de ses modèles. Postures arrogantes ou sensuelles, accessoires éloquents et sens de la mise en scène caractérisent ces prises de vues. Les photographies de mode ont largement repris cette imagerie rock’n’roll, porteuse de nouvelles attitudes, à commencer par celles du styliste Hedi Slimane, dont les éphèbes au visage blafard semblent souvent sortis de frasques nocturnes.

Des photographies comme celles de Tim Scott coiffant délicatement sa crête punk avec un peigne ou de Clarissa portant une veste de costume évoquent l’attrait de Mapplethorpe pour les allures androgynes. L’un de ses plus célèbres clichés reste le portrait de Patti Smith, réalisé en 1975, pour sa pochette d’album Horses. La chanteuse y posait en dandy débraillé, cravate noire défaite et veste négligemment posée sur l’épaule. Considéré à l’époque comme un suicide commercial, ce choix radical fera finalement l’objet d’une véritable fascination. « Confusion is sex », titrait le groupe Sonic Youth sur l’un de ses disques, en 1983. Une idée que l’univers de la mode exploitera aussi largement.

Dans un ensemble de photographies réalisées dans les années 80, Mapplethorpe rompt cette relation au modèle pour construire des prises de vues plus intimes, fonctionnant comme des allégories. L’austère photographie d’un crâne donne le ton de cette série lugubre, où l’on sent sourdre de façon insistante l’angoisse de la mort.
On y retrouve le modèle Lisa Lyon, ex-championne de body building féminin, dont Mapplethorpe a, maintes fois, photographié le corps athlétique et vigoureux. Il fait ici le deuil de ce symbole de puissance en le réduisant à l’état d'ombre spectrale.

On ne peut s’empêcher de voir en ces photographies l’envers désenchanté de la levée des tabous qui caractérisa l’ère post 68. Elles évoquent la mélancolie d’une sexualité vécue de manière intense et affirmative sur laquelle ne pesait pas encore la menace du sida.

Robert Mapplethorpe
Galerie Thaddaeus Ropac, Paris


Pour paris-art.com, 2005