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Paul-Armand Gette

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    © Courtesy galerie du Jour Agnès b

Pendant vingt ans, Paul Armand Gette nous a convié à partager le plaisir hédoniste qui le lie aux êtres et aux choses, à la source même de son travail.

L'artiste commence par photographier de très jeunes modèles, guettant un moment propice pour voler leur image. Il y a le cadre, le prétexte de départ : une promenade sur la plage avec deux petites filles, une partie de tennis avec une nièce, et l’occasion de la photographie, où elles se penchent pour ramasser un coquillage, une balle. Rapt, moment où le regard de Gette s’est délecté, non sans perversité, du passage d’un geste vers un autre, de l’état transitoire qui a fait remonter les jupes ou plaquer le short contre les fesses.

Viennent ensuite d’autres séries photographiques, en couleur et de plus grand format, que Gette compose. Du rapt enregistré, on passe à la mise en scène très orchestrée de petites histoires dans lesquelles le plaisir du toucher se joint à la délectation visuelle, avec la complicité, cette fois-ci, de modèles plus âgés. La main de Paul-Armand Gette passe de l’autre côté de l’objectif, franchissant l’espace qui le sépare de son modèle pour saisir son pied délicatement bronzé. Sur la photo suivante, c’est la main du modèle qu’il prend, une paume ouverte au creux de laquelle est posée un coquillage renversé.
Ces raccourcis subtils d’une rencontre entre deux corps mettent en branle un jeu d’équivalences et d’analogies : la paume de la main, plissée et chaude, réceptacle de ce coquillage au creux rose visible, le doigt de Gette, assez d’indices, semble-t-il, pour aiguiller nos interprétations.

Des vulves, l’artiste en voit partout. L’obsession apparaît dans les fleurs, les fruits et les troncs d’arbres entaillés qu’il photographie. Armand Gette poursuit une vision paganiste où la Nature est femme et dont les petites déesses chthoniennes, à la fente bien visible sur le bas-ventre, célébraient déjà la générosité.
La mythologie est ailleurs convoquée dans une série d’images figurant des nymphéas. Les fleurs sont déposées dans une baignoire aux pieds dorés, où repose une serviette brodée aux initiales de l’artiste. En référence aux ablutions que les nymphes de l’Antiquité pratiquaient loin des regards, Gette donne corps au fantasme, ou conjure l’impossible rencontre. Il évoque le passage des créatures divines par le dépôt de ces objets symboliques.

Diane et Actéon, puni pour avoir surpris la nymphe au bain, sont d’ailleurs au centre d’une dernière série de photographies. Version 2000 de la déesse lunaire : une femme vêtue d’une robe à l’imprimé militaire de camouflage, à la lisière du visible et du caché. Une façon de rappeler à quel point Diane était désirable par le seul fait de demeurer insaisissable, figure clé du fantasme sexuel que célébrait déjà Klossowski.
Nul sentiment de transgression n’apparaît cependant dans l’univers de Gette, rien n’est pathétique ni sentimental ; simplement hédoniste, subtilement libertin.

Paul-Armand Gette
Les Nymphalides
Galerie du jour Agnès b, Paris


Pour paris-art.com, 2004