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Edward Ruscha

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    © Courtesy galerie Daniel Templon

La galerie Daniel Templon présente actuellement deux séries photographiques d’Edward Ruscha, d’abord diffusées par l’artiste sous forme de livres. Deux archétypes de l’american way of life y sont déclinés : la piscine privée et le parking automobile.

Vus du ciel, la superficie bleue électrique
des piscines et les vastes espaces destinés aux automobiles ont l'exigence formelle d'un tableau de Mondrian. Thirty-Four Parking Lots impressionne par sa qualité graphique. Les prises de vue aériennes soulignent le découpage rationnel de l'espace et mettent en valeur la relation architectonique des parkings à l’environnement.

Les axes de circulation s’étalent en lacets complexes, serrent en étau les habitations, ou se croisent à 90° ; les constructions carrées alternent avec des espaces vides dont les stries indiquent les emplacements de parking. L’espace se coupe et se recoupe à l’infini afin de contenir habitations et transports privés et de relier entre elles ces unités disparates, accordant parfois la place à une nature sous forme d’arbres soigneusement alignés.

On a volontiers associé l’œuvre de Ruscha à la mouvance Pop, mais des aspects de son travail évoquent tout autant, voire plus, les recherches minimalistes et conceptuelles.
Thirty-Four Parking Lots a au départ été conçu en vue de l’édition d’un livre. Ruscha a demandé à un pilote et à un photographe aérien de lui réaliser des photographies de parking vides, situant de manière précise et significative son intervention au seul assemblage de ces informations visuelles. À la manière d’un iconographe, il analyse et ordonne un donné objectif.

Le format carré des clichés souligne leur caractère de fragment plutôt que celui de paysage aérien, comme si Ruscha cherchait à mesurer cette réalité urbaine particulièrement vertigineuse de Los Angeles, faute de pouvoir la synthétiser en une vision particulière dont le paysage donne toujours l’illusion.

La série met en valeur les aspects récurrents de cette ville, son organisation en damier, et sa structure entièrement adaptée aux déplacements en voiture. Seules traces de vie sur ces photographies : des sillages serpentant la surface des parking ou des taches d’huile, indices de récents passages d’automobiles, irruptions d’accidents à l’intérieur de ces formes rigides.

Ruscha enregistre ces données avec un regard tranquille et désengagé. Il évoque sa relation ambivalente à Los Angeles, faite de fascination et de répulsion, et dit ouvrir les yeux sur « le pouvoir des choses qui n’ont pas de sens ».
Attentif aux aspects plastiques de cette ville, il en dévoile certaines obsessions, comme cet idéal de maîtrise de l’espace que vient satisfaire sa parcellisation rigoureuse et un urbanisme exclusivement pensé à l’échelle de l’automobile. Bien que très distancié, ce travail photographique demeure singulièrement poétique, comme peuvent l’être les séries photographiques de Bernd et Hilla Becher.

Edward Ruscha
Photographs
Galerie Daniel Templon, Paris


Pour paris-art.com, 2004