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Jason Martin, Nudes

  • Martin

    © Courtesy galerie Thaddaeus Ropac

Le peintre anglais Jason Martin présente une nouvelle série de travaux, caractérisés par une grande sensualité. Leur facture particulière est obtenue à l’aide d’un outil de sa fabrication, un large pinceau peigne avec lequel il accompagne de tout son corps la matière dans son mouvement.

Appliquée en une couche épaisse sur des supports aussi variés que la toile, l’aluminium ou le plexiglas, la peinture se répand de manière ondoyante et tourbillonnaire, par vagues successives mais sans rupture dans le mouvement. La surface est prise dans un même remous de matière, traitée à la façon d’un all over.
Le support est une arène, travaillée aux dimensions du corps. Pour les plus grands formats, Jason Martin est monté sur une échelle, redescendant progressivement tout en se contorsionnant pour comprimer la matière avec le peigne. Des stries extrêmement fines et resserrées biffent la surface, creusant dans le frais de la peinture des sillons où vient s’accrocher la lumière.

Cette façon de modeler la matière en lui faisant prendre la lumière, tout comme ce corps à corps avec elle font déborder la pratique picturale de Martin vers des préoccupations d’ordre sculpturales : les rouleaux lumineux modulent la surface, provoquant une illusion de profondeur. La matière s’anime, se renfle et se rétracte en ondulations qui évoquent des plis anatomiques.
Nudes, titre de la série, souligne d’emblée cette thématique du corps la traversant. Jamais représenté, il habite pourtant chaque tableau, ne serait-ce que par la manière dont il a été conçu.

Le corps du peintre donne la mesure de son acte : le pinceau n’est pas seulement animé par la main, mais par le mouvement conjoint des bras, des épaules et de flexion des jambes.
La sensualité évidente des peintures procède de cette implication physique, comme des teintes employées par le peintre. Des tableaux comme Girl ou Couple évoquent la chair par leurs teintes rosées et le rouge profond de Darling s’accorde aux plis de la peinture pour former des lèvres aériennes.

Jason Martin s’inscrit dans une lignée expressionniste qu’il réinvente. Le traitement de la matière picturale s’apparente à un enregistrement, à l’empreinte d’un geste. Bien que très différente de l’éclatement caractéristique d’une œuvre comme celle de Jackson Pollock, les peintures de Martin sont travaillées par une pulsion dynamique, issue de ce même engagement physique du corps tout entier.

Jason Martin
Nudes
Galerie Thaddaeus Ropac, Paris


Pour paris-art.com, 2006